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InformationsPublié le 30 janvier 2025

Dans la lutte contre les armes chimiques

Andreas Zaugg travaille au Laboratoire de Spiez, au Contrôle des armes chimiques. Ce quinquagénaire originaire de Thoune nous explique dans l’entretien ci-après sa contribution en faveur de la paix dans le monde, pourquoi il doit se rendre régulièrement à La Haye dans le cadre de son travail et ce qui n’était pas optimal pour lui à l’EPF.

Communication DDPS, Tanja Rutti

Andreas Zaugg, vous travaillez depuis l’automne 2024 au Laboratoire de Spiez en tant que responsable du domaine Contrôle des armes chimiques. Quel est le rôle du contrôle des armes, précisément dans le domaine chimique?

Le Contrôle des armes chimiques fait partie intégrante de l’Autorité nationale CAC (NDLR: Convention sur les armes chimiques), placée sous la direction du DFAE et chargée de veiller à ce que la Suisse respecte le traité de droit international contraignant de la Convention sur les armes chimiques (CAC) et à ce que ses dispositions soient mises en œuvre. De plus, nous sommes aussi le service national spécialisé dans les mesures relatives au contrôle des exportations et de l’armement contre la prolifération des armes chimiques et soutenons la mise en œuvre des accords multilatéraux.

L’Autorité nationale CAC est chargée de veiller à ce que la Suisse respecte le traité international contraignant de la Convention sur les armes chimiques.
Andreas Zaugg, responsable du domaine Contrôle des armes C, Laboratoire de Spiez

Quelles sont vos activités principales?

Je suis chargé de prodiguer des conseils spécialisés aux délégations suisses et aux autorités fédérales chargées de la mise en œuvre des accords multilatéraux susmentionnés. Quant aux entreprises de l’industrie chimique en Suisse, elles sont tenues de déclarer à notre service, conformément à l’ordonnance sur le contrôle des produits chimique, tous les composés chimiques pertinents qu’elles produisent, traitent ou consomment à partir d’une certaine quantité. Je suis responsable de la collecte des déclarations de ces entreprises, ainsi que de celles du Laboratoire de Spiez, conformément aux obligations découlant de la CAC, et de leur transmission à l’OIAC (NDLR: Organisation pour l’interdiction des armes chimiques basée à La Haye). Sur la base de ces données, l’OIAC décide des entreprises et industries à inspecter en Suisse. Lors de ces inspections OIAC, menées en Suisse sous l’égide du SECO, je fais partie de l’équipe d’accompagnement et je fais office de conseiller technique et d’intermédiaire entre l’entreprise et les inspecteurs. En tant que conseiller technique, je suis intégré à tout projet dès qu’il est question de la Convention sur les armes chimiques.

Donnez-nous un exemple.

Il y a peu, je me suis rendu à la Conférence des États parties de l’OIAC à La Haye. Chaque année, les 193 États, qui ont signé et ratifié la CAC, se rassemblent en organe plénier et sont représentés par leurs ambassadeurs respectifs et leurs délégations. Notre délégation est composée de l’ambassadrice suisse à La Haye, de représentants du DFAE, du SECO et du SEPOS, et de moi-même en tant que conseiller technique.

Et votre activité vous amène donc à vous déplacer régulièrement en Suisse et à l’étranger?

En Suisse, j’effectue quatre à cinq voyages de service par an, et ce dans le cadre des inspections industrielles susmentionnées. Il faut compter aussi quelque cinq voyages à l’étranger, sachant que la plupart se font à La Haye, au siège principal de l’OIAC. Et comme nous ne nous déplaçons pas seulement pour la CAC, mais que nous soutenons aussi le régime du contrôle des exportations, j’accompagne aussi différentes conférences et rencontres du Groupe d’Australie (NDLR: pour la description voir les liens ci-après). Ces rencontres ont pour la plupart lieu à Paris, à une exception près: tous les dix ans, nous nous retrouvons, comme le nom du groupe l’indique, en Australie.

Et c’est quand la prochaine fois?

Cette année! J’ai repris le poste au bon moment (il rit).

Quel a été votre parcours de formation et quel est votre cursus professionnel?

Mon parcours de formation ne s’est pas déroulé de manière classique et linéaire. Au terme de ma scolarité obligatoire, j’ai commencé par faire une dixième année, et j’ai ensuite fait mon apprentissage de laborantin en chimie chez Wander SA à Berne. Après avoir travaillé encore un an et demi comme laborantin en chimie, j’ai décidé de suivre l’école de maturité pour adultes. Une fois ma maturité en poche, j’ai voulu aller jusqu’au bout et j’ai commencé des études en biochimie à l’EPF de Zurich. Par contre après avoir réussi mon premier pré-diplôme, j’ai estimé que les études à l’EPF étaient beaucoup trop théoriques pour moi. J’ai pu par la suite intégrer le «Technikum» de l’époque à Berthoud et ainsi j’ai changé à une haute école spécialisée. J’y ai décroché mon diplôme de chimiste HES. Puis, j’ai obtenu un poste chez Novartis SA à Bâle.

Comment avez-vous été engagé au DDPS, et plus précisément au Laboratoire de Spiez, et à quelle fonction pour commencer?

On me connaissait déjà au Laboratoire de Spiez parce qu’au vu de ma formation de chimiste, j’ai passé une grande partie de mes CR auprès des troupes de défense NBC, au sein du groupe Chimie organique du Laboratoire de Spiez. Je m’y suis toujours beaucoup plu et c’est pourquoi j’avais fait savoir au chef de l’époque qu'il n’hésite pas à me contacter si un poste devait se libérer. Quand le moment est venu et que le poste de chef suppléant du groupe Chimie organique a été mis au concours, j’ai tout de suite postulé et j’ai heureusement obtenu le poste. Je travaille donc au Laboratoire de Spiez depuis le 1er juillet 2008.

Après 16 ans, vous êtes passé d’un travail en laboratoire à un job de bureau. Comment vivez-vous ce changement?

Après environ 30 ans de travail en laboratoire, il était temps pour moi de rendre mon tablier et de relever un nouveau défi. Par contre, ce qui est sympa, c’est que je continue à travailler étroitement avec la section chimie.

Contribuer à ce que les conventions soient respectées, pouvoir ainsi essayer d’influencer la paix mondiale et contribuer en Suisse à la protection de la population, sont des aspects qui rendent mon travail précieux.
Andreas Zaugg, responsable du domaine Contrôle des armes C, Laboratoire de Spiez

Qu’est-ce qui vous plaît particulièrement dans votre fonction et votre tâche actuelles?

Sur la page d’accueil de notre laboratoire figure notre vision: un monde sans armes de destruction massive. Nous sommes toutes et tous conscients que ce n’est pas seulement un objectif difficile à atteindre, mais qu’il est aussi utopique. Cet objectif reste néanmoins stimulant pour l’ensemble des collaborateurs et collaboratrices du Laboratoire de Spiez. Naturellement, cela peut vous paraître un peu illusoire, mais contribuer à ce que les conventions soient respectées, pouvoir ainsi essayer d’influencer la paix mondiale et contribuer en Suisse à la protection de la population, sont des aspects qui rendent mon travail précieux. Le sens des tâches que nous accomplissons est l’une de mes principales motivations.

L’aspect international et l’échange avec les différents acteurs vous ont-ils également attiré à ce poste?

Oui, j’apprécie les nombreux contacts internationaux et le fait que je puisse avoir un très bon aperçu du monde politique. En tant que scientifique, j’ai dû m’y habituer au début. Chez nous, les faits sont là, tout est clair et il n’y a pas de nuances intermédiaires ou de gris, alors qu’en politique, tout se résume généralement à un compromis.

Quelles sont les conditions requises pour exercer votre fonction?

Un diplôme de chimie et une expérience technique en laboratoire ou dans l’industrie chimique sont assurément indispensables. Ensuite, il faut aussi être très autonome et avoir du plaisir à communiquer, également en français et en anglais. En outre, il s’agit d’être disposé/e à s’initier à des domaines qui ne sont pas directement liés à sa spécialité et à sortir de sa zone de confort.

« Il est bon de savoir qu’au Laboratoire de Spiez nous avons pu donner accès à cette thématique à de nombreuses personnes issues de pays en développement.
Andreas Zaugg, responsable du domaine Contrôle des armes C, Laboratoire de Spiez

Y a-t-il une expérience qui vous a particulièrement marqué dans votre travail actuel ou précédent au laboratoire?

Dans mon ancien travail au laboratoire, j’ai eu l’occasion pendant plus de dix ans d’organiser et d’accompagner chaque année un stage de trois mois pour un/e chimiste ou un/e futur/e chimiste d’un pays en développement. Ces rencontres avec des personnes de cultures très différentes resteront à jamais gravées dans ma mémoire et ont été très enrichissantes. J’ai encore des contacts avec de nombreux anciens stagiaires et le plus beau, c’est que je rencontre parfois l’un/e ou l’autre lors de mes voyages.

J’ai encadré des personnes dont l’objectif absolu était de devenir un jour inspecteur/trice de l’OIAC et qui occupent aujourd’hui cette fonction à La Haye et dans le monde entier. Il est agréable de savoir qu’au Laboratoire de Spiez nous avons servi de tremplin à ces personnes, que nous leur avons donné accès à la thématique et que nous avons pu les aider à accéder au métier de leurs rêves dans la lutte contre les armes chimiques.

Le travail du groupe Chimie organique

Avant d’occuper son poste actuel de responsable du domaine Contrôle des armes chimiques, Andreas Zaugg a travaillé dans le groupe Chimie organique. Le groupe Chimie organique fabrique de petites quantités de produits chimiques hautement toxiques liés à la Convention sur les armes chimiques (CAC). Il s’agit notamment d’agents de guerre chimique, de leurs précurseurs, de produits de dégradation, de sous-produits et de biomarqueurs (composés qui peuvent se former dans le corps humain au contact d’agents chimiques de combat).

Les composés ainsi produits servent de références et peuvent notamment être utilisés pour comparaison avec des échantillons réels prélevés dans une zone de crise. Ces produits chimiques de référence ont encore d’autres applications: le développement de méthodes analytiques, le développement et l’extension de bases de données analytiques, les tests d'appareils de mesure capables de détecter des agents chimiques de combat, les tests de tenues de protection et de filtres de masques à gaz, ainsi que les tests de solutions et de systèmes de décontamination. Les technologies les plus récentes qui peuvent potentiellement représenter un danger, c’est-à-dire qui pourraient être utilisées abusivement pour la fabrication d’agents chimiques de combat, sont également examinées.