Publié le 1 février 2023
Modernisation des forces terrestres

Aperçu
La structure de l'armée est adaptée à la situation de la menace. La prochaine étape sera le renouvellement des moyens dont la Suisse dispose pour se défendre contre une menace aérienne. En parallèle, on procèdera au renforcement progressif de la cyberdéfense.
Mais il faudra également moderniser les forces terrestres d’ici dix à quinze ans, d’où la décision de principe prise par le Conseil fédéral le 15 mai 2019: les capacités de l’armée seront choisies en fonction d’une menace hybride, tant sous l’angle de l’appui aux autorités civiles que sous celui de la défense dans le cadre d’un conflit armé. La préférence sera donnée à des systèmes plus mobiles, polyvalents et standard pour les formations d’engagement.
La décision du Conseil fédéral se fonde sur le rapport « Avenir des forces terrestres » établi par le DDPS.
Financement par le budget de l'armée
Les dépenses militaires ont été constamment réduites depuis les années 1990, passant de 15,8 % par an en 1990 à 6,5 % des dépenses fédérales en 2022. En 1990, la part du PIB consacrée à l'armée s'élevait à 1,34 % ; en 2022, elle n'était plus que de 0,67 %. En raison de ces importantes mesures d’économie, des lacunes de capacités sont apparues, qui doivent être comblées le plus rapidement possible.
L’armée a élaboré ces dernières années les bases de son organisation future. Il s’agit des objectifs pour les années 2030 et au-delà, ainsi que d’une stratégie pour atteindre ces objectifs. Il existe donc une idée claire de la direction dans laquelle l’armée doit se développer à moyen et à long termes. Dans le rapport « Renforcer la capacité de défense », l’armée présente sa planification et met en évidence ses besoins pour assurer la défense du pays.
Les projets d’acquisition concrets seront soumis au Parlement par l’entremise des prochains messages sur l’armée.
FAQ
Décisions du Conseil fédéral
Le 15 mai 2019, le Conseil fédéral a chargé le DDPS de procéder à la modernisation des forces terrestres en coordination avec le renouvellement des moyens de défense aérienne, et selon les principes suivants. Les capacités de l’armée seront choisies en fonction d’une menace hybride, tant sous l’angle de l’appui aux autorités civiles que sous celui de la défense dans le cadre d’un conflit armé. La préférence sera donnée à des systèmes plus mobiles, polyvalents et standard pour les formations d’engagement. L’avantage est que l’accent est placé sur les capacités indispensables en cas de conflit hybride. Les forces terrestres seront par conséquent mieux préparées à un engagement en zone urbaine, typique pour la Suisse.
Le 7 septembre 2022, le Conseil fédéral a approuvé un rapport complémentaire à son rapport sur la politique de sécurité 2021. Selon ce rapport, il veut – tout en respectant la neutralité – orienter la politique de sécurité et de défense de la Suisse, de manière plus systématique que jusqu’ici, vers la coopération internationale. Par ailleurs, la modernisation des capacités et moyens de l’armée doit être accélérée. Il existe à cet effet une planification continue des investissements 2023–2035 de l’armée.
Rapport sur l’avenir des forces terrestres
Le DDPS a examiné trois options permettant de développer les forces terrestres au cours de la prochaine décennie et jusqu’au début des années 2030. Toutes ces options visent en principe un profil de capacités similaire. Les différences concernent les menaces sur lesquelles les forces terrestres sont principalement axées ainsi que la manière de mettre en place les capacités.
Avec l’option 1, les capacités seraient davantage axées sur un conflit armé interétatique. Comme aujourd’hui, l’armée conserverait toutefois aussi des capacités lui permettant de faire face de manière efficace et déterminée à des acteurs irréguliers dont le niveau est moindre que celui d’une attaque armée. En cas de conflit armé, les forces terrestres seraient en mesure d’assurer la défense sur une longue période avec une grande autonomie. Un excellent potentiel pourrait par ailleurs être atteint pour ce qui concerne l’accomplissement de tâches de protection en cas de tensions accrues. À la fin de leur durée d’utilisation, les moyens mécanisés seraient remplacés par des systèmes modernes du même type afin de conserver l’aptitude conventionnelle au combat en duel des formations mécanisées. Le grand nombre de moyens lourds accroîtrait également l’effet dissuasif face à des forces conventionnelles. Les formations prévues principalement pour des tâches de protection se verraient aussi dotées de véhicules blindés. La capacité à soutenir les autorités civiles dans le domaine de l’aide en cas de catastrophe resterait quant à elle au même niveau qu’aujourd’hui.
Cette option nécessiterait des investissements à hauteur de près de 10 milliards de francs afin de remplacer la flotte actuelle de moyens lourds par un grand nombre de nouveaux véhicules du même type, dont de nombreux véhicules spéciaux et à chenilles. Les coûts annuels d’exploitation pour les systèmes des forces terrestres (matériel de remplacement, maintenance, munitions, carburants) se monteraient alors à quelque 230 millions de francs, soit environ 25 millions de plus qu’aujourd’hui.
Avec cette option, les capacités des forces terrestres seraient davantage axées sur l’évolution de la structure des conflits. Des menaces non conventionnelles pourraient être combattues efficacement dès la phase de tensions afin d’empêcher une dégradation de la situation. Si ces efforts devaient s’avérer insuffisants, des formations modulaires pourraient rapidement passer de l’accomplissement de tâches de protection à la défense contre une attaque armée. Les forces terrestres pourraient être articulées différemment, selon les engagements, mais disposeraient, dans leur articulation de base déjà, des capacités nécessaires pour faire face à une détérioration de la situation. Par rapport à l’option 1, le degré de protection et la capacité à durer des formations lourdes seraient plus faibles face à des forces conventionnelles, en particulier lorsqu’il s’agirait de regagner de manière traditionnelle un terrain perdu. Cependant, des systèmes légers, bien protégés et, par conséquent, plus mobiles et polyvalents permettraient à l’armée d’être mieux axée sur le contexte opérationnel, ce qui aurait un effet positif tant pour l’appui aux autorités civiles en cas de tensions que pour l’accomplissement de tâches de défense lors d’un conflit armé. En revanche, on renoncerait en grande partie à la capacité de mener une défense mobile contre des forces armées conventionnelles à l’écart des routes et des chemins.
La mise en œuvre de cette option exigerait des investissements compris entre 5,5 et 6 milliards de francs afin d’uniformiser en priorité les plateformes protégées. Les charges d’exploitation annuelles pour les systèmes des forces terrestres (matériel de remplacement, maintenance, munitions, carburant) se monteraient alors à quelque 205 millions de francs, ce qui correspond au niveau actuel.
Les capacités seraient organisées de manière similaire à l’option 2 et complétées par une amélioration de la capacité à durer sous la forme d’une augmentation de l’effectif réglementaire, qui passerait de 100 000 à 120 000 militaires. Les troupes supplémentaires permettraient de réaliser des engagements plus longs ou de renforcer l’effet protecteur. L’amélioration de la performance des tâches de protection qui en découlerait serait significative notamment en cas de tensions accrues, lorsque des infrastructures critiques doivent être protégées contre des menaces non conventionnelles durant une longue période. La capacité des forces terrestres à soutenir les autorités civiles serait plus élevée qu’avec les deux autres options.
Selon l’équipement des troupes supplémentaires, deux variantes seraient possibles en termes d’investissements : l’une s’élevant à 6 à 6,5 milliards de francs si seul l’équipement personnel était prévu, l’autre à 8 à 9 milliards si du matériel de corps et des véhicules étaient également inclus. Sans cet équipement additionnel, l’accroissement de l’effectif permettrait d’augmenter uniquement la capacité à durer, alors que les troupes supplémentaires pourraient aussi être engagées pour des tâches de protection si elles étaient dotée d’un équipement complet.
Les charges d’exploitation annuelles augmenteraient en fonction du type de forces additionnelles à constituer. Elles devraient atteindre 225 millions de francs si la hausse de l’effectif vise seulement à accroître la capacité à durer, contre 300 millions si les 20 000 militaires supplémentaires sont équipés au titre de forces médianes.
Le Conseil fédéral estime que l’option 2 constitue la voie à suivre pour développer les forces terrestres d’une manière appropriée à la menace et au contexte opérationnel. L’accent serait mis avant tout sur la capacité à s’adapter, un aspect central des conflits hybrides. Sur une longue période, les coûts attendus devraient en outre permettre d’introduire des mesures de renouvellement de l’équipement au sein du reste de l’armée.
D’un point de vue militaire, le rapport considère que l’option 3 est la meilleure, parce que l’accroissement du nombre de formations par rapport à l’option 2 offre davantage de flexibilité. Le DDPS ne voit toutefois pas de raison d’accroître à nouveau l’effectif après l’avoir réduit dans le cadre du développement de l’armée (DEVA). Les bases légales permettraient toutefois de le faire en cas de nécessité.
Pour que l’armée – qui comprend les forces terrestres – puisse continuer d’accomplir ses tâches à l’avenir, elle doit être continuellement adaptée : à la menace, au contexte opérationnel, aux progrès technologiques et, bien entendu, au cadre financier et politique. L’élaboration d’un rapport sur l’avenir des forces terrestres a été rendue nécessaire en raison des trois facteurs principaux suivants.
- La menace s’est complexifiée : les conflits actuels incluent un grand nombre d’acteurs et de formes d’action, et la frontière entre la guerre et la paix s’estompe. Les forces terrestres sont engagées à des niveaux d’intensité toujours plus variés.
- Les forces terrestres sont de plus en plus souvent engagées dans des villes ou des agglomérations. Sur le Plateau suisse, il n’y a plus guère de place pour de grandes actions impliquant de vastes formations mécanisées, ce qui a des conséquences sur les moyens et l’organisation des forces terrestres.
- La plupart des systèmes principaux des forces terrestres atteindront la fin de leur cycle de vie au cours des dix prochaines années. S’ils étaient mis hors service sans être remplacés, les forces terrestres perdraient pratiquement toutes leurs capacités actuelles et ne pourraient donc plus accomplir leurs tâches.
Pour élaborer le rapport, le chef de l’Armée a mis sur pied un groupe d’experts composé de représentants des domaines concernés au sein de l’armée, d’armasuisse et du Secrétariat général du DDPS, sous la surveillance du chef de l’État-major de l’armée et la conduite du commandant des Forces terrestres.
Les deux rapports sur l’avenir des forces terrestres et de la défense aérienne sont étroitement coordonnés et servent de base conceptuelle commune à une poursuite cohérente du DEVA au cours de la prochaine décennie.
Contrairement au rapport sur l’avenir de la défense aérienne, le rapport Avenir des forces terrestres ne porte toutefois pas sur un programme d’armement, mais montre la voie à suivre pour les projets d’acquisitions et les mesures de maintien de la valeur ou de prolongation de la durée d’utilisation destinés aux systèmes terrestres pendant les quinze prochaines années. En outre, il ne se contente pas de traiter du développement des forces terrestres, mais décrit également les nombreuses interdépendances présentes au sein du système global qu’est l’armée, en particulier les capacités liées au domaine électronique (y c. la cyberdéfense) et à l’espace aérien.
Scénarios
Dans le domaine de la politique de sécurité, la situation s’est globalement détériorée en Europe au cours des dernières années. Outre la persistance du terrorisme, la menace actuelle se caractérise principalement par ce qu’on pourrait appeler des conflits ambigus ou hybrides. Il y a encore quelques années, on distinguait généralement les conflits selon qu’ils étaient menés par des moyens et des méthodes conventionnels ou non conventionnels, entre des acteurs réguliers ou irréguliers, ou selon des procédés et des rapports de forces symétriques ou asymétriques. À l’avenir, toutes ces formes de conflit ainsi que les acteurs qui y participent devraient se combiner toujours plus souvent, rendant la menace équivoque et difficile à cerner. Par des actions ouvertes ou cachées, l’agresseur tente de déstabiliser et de paralyser un État et sa société de l’intérieur afin de pouvoir atteindre ses objectifs, si possible sans engager ouvertement des moyens militaires. Il essaie d’éviter de se confronter directement à l’armée du défenseur ; une attaque ouverte conventionnelle avec des forces militaires n’a lieu que si une défense coordonnée n’est plus redoutée ou que l’agresseur bénéficie d’un rapport de forces avantageux. En principe, tout est mis en œuvre pour que les objectifs stratégiques soient atteints sans recourir ouvertement à des moyens militaires conventionnels, ou alors seulement de façon limitée.
En cas de menace hybride, l’engagement de formations militaires régulières employant des moyens conventionnels reste une possibilité, par exemple pour produire un effet dissuasif ou emporter la décision dans le cadre d’une confrontation militaire. Des formations régulières dotées de blindés et d’artillerie peuvent ainsi se masser aux frontières et faire peser une menace supplémentaire sur un État déjà déstabilisé intérieurement par des violences graves et durables. Leur engagement peut aussi créer un fait accompli dès le début d’un conflit par le biais d’une action surprise. Par conséquent, à l’avenir aussi, les défenseurs devront disposer de capacités leur permettant de faire face à une attaque armée conventionnelle.
Les conflits modernes se déroulent non seulement au sol et dans les airs, mais aussi dans l’espace exoatmosphérique et électromagnétique, le cyberespace et – comme c’est depuis bien longtemps le cas, mais via de nouveaux canaux – l’espace de l’information. Les nouvelles formes de guerre comme les cyberattaques n’ont pas remplacé les anciennes, mais elles les complètent et les renforcent. Les forces terrestres resteront essentielles dans les conflits à venir, car elles sont souvent les seules à pouvoir emporter la décision, étant donné qu’elles sont engagées là où la population vit et travaille.
Pour les forces terrestres, un défi particulier réside dans le fait que les engagements futurs se dérouleront principalement en terrain bâti. Les surfaces construites et la densité de population de la Suisse ne cessent d’augmenter, alors que les terrains non bâtis adaptés aux actions massives de grandes formations mécanisées sont de plus en plus rares sur le Plateau. En outre, l’armée ne sert désormais plus uniquement à mener des guerres lors de conflits interétatiques, mais aussi – dans le cadre d’un appui subsidiaire aux autorités civiles – à relever des défis de politique de sécurité de moindre envergure et à fournir une assistance à la population. Dans ce contexte, les forces terrestres jouent un rôle central : elles constituent l’élément le plus visible de l’armée et sont engagées là où la population vit et travaille. Elles sont donc constamment observées par les médias, agissent dans un cadre juridique complexe et travaillent en étroite collaboration avec les forces de sécurité et de sauvetage civiles.
La promotion de la paix est une tâche importante de l’armée. Le rapport « Avenir des forces terrestres » montre comment moderniser les capacités des forces terrestres sans changer la répartition entre les tâches de l’armée ni redéfinir son profil de prestations. La modernisation des capacités profitera bien sûr également à la promotion de la paix.
L’armée fait face à un grand nombre de défis liés au développement de ses capacités, à son organisation, à ses procédures d’engagement et à son matériel. Entre la prochaine décennie et le début des années 2030, soit pendant la période où les moyens de protection de l’espace aérien devront aussi être renouvelés, de nombreux systèmes principaux des forces terrestres atteindront la fin de leur durée d’utilisation. Les chasseurs de chars 90 devront déjà être mis hors service au cours des prochaines années, privant ainsi l’armée de ses capacités antichars de longue portée. Par la suite, les quelque 500 chars de grenadiers à roues 93 devront être retirés du service, ôtant à l’infanterie l’un de ses systèmes principaux, de même que plus de 300 véhicules d’exploration 93, système principal des formations d’exploration. Au milieu des années 2020, les obusiers blindés M109 ainsi que les obus de 15,5 cm arriveront également, comme prévu, à la fin de leur durée d’utilisation. Les systèmes de l’artillerie comprennent aussi les véhicules de transport à chenilles, qui datent des années 1960, ainsi que les chars de grenadiers M113, encore engagés dans cette arme en tant que chars de commandement et de direction des feux, de même que dans les troupes du génie comme chars de sapeurs et de déminage. L’armée dispose de plusieurs centaines d’exemplaires de ces véhicules obsolètes dont le niveau de protection n’est plus efficace. Au début des années 2030, les chars de combat 87 Leopard, système principal des troupes blindées, et peu après les chars de grenadiers 2000 – si leur utilisation est prolongée comme prévu – arriveront au terme de leur cycle de vie, tout comme près de 80 véhicules spéciaux dérivés du char de grenadier à roues Piranha. Aujourd’hui déjà, un grand nombre de ces systèmes n’ont plus qu’une faible valeur militaire et n’offriraient que des chances minimes de succès en cas de conflit armé contre un adversaire déployant des moyens modernes.
Le fait qu’un si grand nombre de systèmes principaux atteignent le terme de leur durée d’utilisation au cours de la même période pose un défi au financement du système tout entier. Cette situation offre toutefois aussi l’occasion d’axer l’ensemble du profil de capacités de l’armée sur le contexte opérationnel, qui est en pleine mutation. Il convient donc de déterminer les capacités dont l’armée devra disposer à l’avenir pour accomplir ses tâches et les systèmes qui devront être remplacés ou acquis pour que ces capacités puissent être conservées ou obtenues.
Il n’est ni possible ni judicieux de remplacer tous les systèmes qui arrivent au terme de leur durée d’utilisation. Cependant, il faut veiller à ce que les forces terrestres continuent de disposer des capacités dont elles ont besoin pour accomplir leurs tâches.
Pour éviter des lacunes de capacités, différentes mesures de maintien de la valeur ou de prolongation de la durée d’utilisation doivent être prises afin que les systèmes puissent rester en service jusqu’à ce qu’ils soient remplacés par de nouveaux systèmes qui correspondent à l’orientation donnée au système global.
