Le 30 novembre 2025, le peuple suisse a rejeté l'initiative service citoyen à 84 %. La participation a atteint 43 %. L’initiative demandait que toute personne de nationalité suisse effectue un service au bénéfice de la collectivité et de l’environnement. Le Conseil fédéral et le Parlement ont recommandé de rejeter l'initiative.
L’initiative populaire «Pour une Suisse qui s’engage (initiative service citoyen)» demande que toute personne de nationalité suisse effectue un service au bénéfice de la collectivité et de l’environnement. Les Suissesses seraient donc également soumises à l’obligation de servir. Ce service serait accompli sous la forme du service militaire ou d’un autre service de milice équivalent reconnu par la loi et l’effectif réglementaire de l’armée et de la protection civile serait garanti. Selon le texte de l’initiative, le législateur peut prévoir que des personnes qui ne sont pas de nationalité suisse doivent également accomplir un service de ce type.
L’initiative a a été déposée le 26 octobre 2023 avec 107'613 signatures valables. Elle est présentée sous la forme d’un projet rédigé visant à modifier la Constitution.
Le Conseil fédéral et le Parlement ont recommandé au peuple et aux cantons de rejeter l'initiative sans contre-projet direct ou indirect – le Conseil national par 173 voix contre 18 et 6 abstentions, et le Conseil des États par 34 voix contre 8 et 1 abstention.
Lors de la session d'été 2025, le Conseil national et le Conseil des États ont transmis une motion, qui charge le Conseil fédéral d'introduire le plus rapidement possible l'obligation de servir dans la sécurité, conformément au rapport sur le développement du système de l’obligation de servir. Le Conseil fédéral a pris connaissance de ce rapport du DDPS le 15 janvier 2025. L’obligation de servir dans la sécurité n’astreindrait que les citoyens suisses de sexe masculin, comme c’est déjà le cas aujourd’hui. Ils accompliraient leur service dans l’armée ou la protection contre les catastrophes, une nouvelle organisation résultant de la fusion de la protection civile et du service civil et placée sous la compétence des cantons.
Votation populaire
Le 30 novembre 2025, le peuple suisse a rejeté l'initiative service citoyen à 84 %. La participation a atteint 43 %.
Contexte
Les hommes suisses doivent actuellement accomplir un service dans l’armée ou la protection civile. Les objecteurs de conscience ont la possibilité d’effectuer un service civil, dont la durée est de 1,5 fois celle du service militaire. Les hommes qui n’accomplissent pas de service paient une taxe d’exemption. Le service est organisé selon le principe de milice et il est généralement effectué en parallèle à l’exercice de la profession. La plupart des jours de service actuellement accomplis ont un lien direct avec la sécurité de la Suisse. Les Suissesses peuvent effectuer un service dans l’armée ou la protection civile à titre volontaire.
Environ 35 000 personnes sont actuellement astreintes au service chaque année. Parmi elles, environ 28 000 accomplissent leur service dans l’armée, la protection civile ou le service civil. Au total, environ 8 millions de jours de service sont effectués chaque année. Il en résulte des coûts annuels qui s’élèvent à environ 800 millions de francs pour les allocations pour perte de gain (APG) et à environ 160 millions pour l’assurance militaire. À ces chiffres s’ajoutent des coûts indirects difficilement quantifiables générés par les absences au travail. Environ 7000 personnes astreintes au service n’effectuent actuellement aucun service et s’acquittent de la taxe d’exemption. Ces recettes atteignent environ 170 millions de francs par an.
Les effectifs de l’armée et de la protection civile ont subi une pression croissante ces dernières années, car de plus en plus de personnes optent pour le service civil et que des personnes astreintes au service militaire sont libérées de leur obligation de servir, notamment pour des raisons médicales.
Contenu de l'initiative
L’initiative prévoit que les personnes de nationalité suisse accomplissent un service au bénéfice de la collectivité et de l’environnement sous forme de service militaire, de service de protection civile ou d’un autre service de milice équivalent. La loi peut en outre prévoir si et dans quelle mesure des personnes qui n’ont pas la nationalité suisse effectuent également un service. Si le système de l’obligation de servir se limite actuellement à l’armée, à la protection civile et au service civil, l’initiative vise à ce que les personnes astreintes au service soient engagées dans d’autres domaines d’intérêt public et dans celui de l’environnement. Le texte de l’initiative souligne que les effectifs de l’armée et de la protection civile doivent être garantis. Il ne se prononce pas sur le déroulement du processus de sélection. Par analogie avec le système de l’obligation de servir actuel, les personnes qui n’accomplissent pas de service devront s’acquitter d’une taxe. La Confédération devra également émettre des directives relatives à une juste compensation pour la perte de revenu. Comme aujourd’hui, les personnes qui sont atteintes dans leur santé ou qui perdent la vie dans l’accomplissement de leur service auront droit, pour elles-mêmes ou pour leurs proches, à une aide appropriée de la Confédération.
Arguments du Comité d’initiative
Les nuages s’accumulent dans le ciel d’une Suisse qui se fragmente. D’un côté : glissements de terrain en montagne, inondations en plaine, cyberattaques, risque de pénurie énergétique, guerre en Europe. De l’autre : l’individualisme prime, la solitude et les tensions s’accentuent. Nous le savons tous, mais la classe politique n’agit pas. En proposant un service citoyen pour tous les jeunes, l’initiative répond exactement à ce dont nous avons besoin : que tout le monde prenne ses responsabilités pour oeuvrer en faveur d’une Suisse forte, capable de résister aux crises.
L’initiative veut que tous les jeunes adultes accomplissent un service, que ce soit dans l’armée, la protection civile ou un service de milice équivalent. C’est le législateur qui déterminera les tâches de ce service de milice qui seront considérées comme pertinentes à l’avenir pour la sécurité et la cohésion nationale, par exemple dans la prévention des catastrophes, l’assistance aux personnes vulnérables ou la sécurité alimentaire. L’initiative est une réforme équilibrée de l’obligation de servir, souhaitée par deux tiers du corps électoral selon l’étude de l’EPFZ « Sécurité 2025 ».
À une époque où l’individualisme progresse et le monde devient toujours plus virtuel, le service citoyen rassemble des jeunes de tous horizons. Il ravive ce qui a fait la force de la Suisse : la solidarité, le sens des responsabilités et la cohésion au-delà des frontières linguistiques et sociales.
L’initiative garantit les effectifs de l’armée et de la protection civile et augmente le nombre et la diversité des personnes mobilisées. Aujourd’hui, seul un jeune sur trois effectue un service. L’initiative répond ainsi aux nouvelles menaces et à leurs répercussions, notamment provoquées par les guerres, les tensions géopolitiques, la cybercriminalité et le changement climatique. Elle pense la sécurité au sens large.
Durant le service, les jeunes acquièrent des compétences pratiques qui complètent leur formation scolaire et professionnelle. Gérer des crises, prodiguer des premiers secours, développer un savoir-faire informatique, travailler en équipe, acquérir le sens des responsabilités ; cet apprentissage de compétences constitue un enrichissement personnel et un gain pour notre économie et notre société, qui dépendent de personnes fiables et engagées.
Alors que d’autres pays dépensent près de 5 % de leur PIB pour leur sécurité, la Suisse y consacre moins de 1 %. En votant OUI à l’initiative, nous investissons dans les gens et donc dans le fondement le plus important de notre sécurité. Pour que la Suisse reste prospère et sûre, nous avons besoin de jeunes générations qui savent prendre leurs responsabilités, qui savent se montrer solidaires et qui sont capables d’agir en temps de crise.
Le Conseil fédéral et le Parlement reconnaissent le bien-fondé de l’objectif poursuivi par l’initiative : renforcer l’engagement des citoyens suisses en faveur de la société. Toutefois, l’extension de l’obligation de servir n’est pas la bonne solution. En effet, cette obligation sert à doter l’armée et la protection civile d’effectifs suffisants pour garantir la sécurité de la Suisse. Le service citoyen proposé par l’initiative va bien plus loin.
L’obligation de servir vise à assurer des effectifs suffisants à l’armée et à la protection civile. On ne devrait pas recruter davantage de personnes qu’il ne le faut pour accomplir les tâches de ces deux organisations. Les 70 000 personnes qui seraient recrutées chaque année si l’initiative était acceptée dépassent largement ce besoin.
Cette initiative aurait des conséquences négatives pour les entreprises suisses. Avec l’extension de l’obligation de servir, environ deux fois plus de personnes qu’aujourd’hui seraient absentes de leur lieu de travail pendant leur service. Économiquement, il n’est pas judicieux d’affecter un nombre aussi élevé de personnes à des tâches qui ne correspondent pas à leurs compétences professionnelles et pour lesquelles elles sont moins qualifiées.
L’instauration d’un service citoyen entraînerait des coûts supplémentaires considérables. Les coûts annuels doubleraient pratiquement, pour passer à environ 1,6 milliard de francs pour les APG et à environ 320 millions pour l’assurance militaire. Cette charge devrait être financée par les cotisations salariales des employeurs et des employés. En outre, les employeurs devraient assumer des surcoûts très élevés pour compenser les absences de leur personnel. La mise en oeuvre entraînerait également des charges supplémentaires et des coûts nettement plus élevés pour la Confédération et les cantons.
L’obligation de servir pour les femmes peut être considérée comme un pas vers l’égalité entre les sexes. Elle alourdirait toutefois encore le fardeau de nombreuses femmes, qui assument déjà une grande partie du travail non rémunéré d’éducation, d’assistance et de soins aux enfants et aux proches ainsi que des tâches ménagères. Étant donné que l’égalité dans le monde professionnel et dans la société n’est toujours pas une réalité, contraindre les femmes à effectuer un service citoyen ne constituerait pas un progrès en matière d’égalité.
Avec l’initiative, plus de la moitié des personnes recrutées seraient probablement affectées ailleurs qu’à l’armée ou à la protection civile. Il n’est pas sûr qu’on puisse créer assez de services de milice qui respectent l’interdiction du travail forcé.
Le comité d’initiative n’a pas publié d’explications détaillées sur son texte. L’initiative prévoit une modification des art. 59 et 61 Cst. et une disposition transitoire relative à ces modifications à l’art. 197. Elle étend l’obligation de servir aux femmes de nationalité suisse et donne au législateur la possibilité d’autoriser les personnes qui ne sont pas de nationalité suisse à accomplir du service. Le texte ne précise pas les modalités des nouveautés qui en découlent.
Le Conseil fédéral interprète le texte de l'initiative comme suit :
L’art. 59, al. 1, P-Cst. étend l’obligation de servir aux femmes de nationalité suisse. Si on part de l’idée que les principes actuels qui concernent l’aptitude s’appliqueront également aux femmes suisses, le nombre de personnes astreintes doublera, passant d’actuellement 35'000 par an à 70'000 environ. Si les critères d’aptitude sont adaptés, le nombre de personnes astreintes au service sera encore plus important.
Le service civil de remplacement n’est plus mentionné explicitement, mais est intégré dans l’obligation de servir visée à l’art. 59, al. 1, P-Cst. Du point de vue du Conseil fédéral, la Constitution laisse au législateur une marge de manoeuvre suffisante, aussi en tenant compte du texte de l’initiative, pour poursuivre le service civil de remplacement avec le régime de la preuve par l’acte et permettre aux personnes astreintes au service militaire de signaler en tout temps un conflit de conscience et d’accomplir un service civil de remplacement. Les personnes aptes au service militaire doivent conserver le droit constitutionnel de déclarer à tout moment un conflit de conscience. Pour ne pas renforcer l’attrait du service civil de remplacement, celui-ci devrait toujours durer 1,5 fois plus longtemps que le service militaire.
L’art. 59, al. 2, P-Cst. prévoit que chaque personne de nationalité suisse accomplisse un service en faveur de la collectivité et de l’environnement. Ce service s’accomplit sous la forme du service militaire ou d’un autre service de milice équivalent reconnu par la loi. Ce service communautaire dépasse les domaines de l’armée, de la protection civile et du service civil et intègre davantage la protection de l’environnement. Il faudra définir quels domaines et secteurs d’engagement elle concerne concrètement et comment les personnes astreintes au service doivent être instruites et engagées. Le comité d’initiative envisage plusieurs domaines pour ces affectations : la prévention des catastrophes, l’assistance ou la sécurité alimentaire. Il appartiendrait au Parlement de déterminer dans une loi quels services de milice seraient reconnus.
La durée du service ou de l’incorporation pour les personnes astreintes n’est pas définie dans l’initiative. Dans le système actuel de l’obligation de servir, elle est fixée en fonction des besoins de l’instruction et des besoins en effectifs de l’armée. Selon le Conseil fédéral, cette règle pourrait continuer de s’appliquer en cas de mise en œuvre de l’initiative.
L’art. 59, al. 3, P-Cst. prévoit de garantir l’effectif réglementaire des services d’intervention en cas de crise (en particulier pour l’armée et la protection civile). L’introduction d’une garantie des effectifs de l’armée et de la protection civile est essentielle pour le Conseil fédéral. Le texte de l’initiative ne contient pas de précision pour le législateur sur la manière concrète de la mettre en place. Si la marge de manoeuvre est suffisante pour obliger les personnes astreintes à accomplir le service militaire ou un service de protection civile, des défis administratifs concernant par exemple le recrutement, l’incorporation ou encore la taxe d’exemption de servir se poseraient. Par conséquent, il faudrait déterminer dans quelle mesure il serait possible de changer de type de service. L’initiative laisse le législateur déterminer si les personnes astreintes peuvent choisir le type de service et changer de type de service. Le Conseil fédéral estime qu’une mise en oeuvre garantissant des effectifs suffisants pour l’armée et la protection civile serait donc possible.
L’art. 59, al. 4, P-Cst. prévoit que les personnes qui ne peuvent pas accomplir de service s’acquittent d’une taxe. Reste à savoir si les critères d’aptitude actuels doivent continuer à être appliqués. Étant donné que le champ d’activité est étendu à des domaines qui se situent en dehors de l’armée et de la protection civile, les critères d’aptitude pourraient également être adaptés. Les dispositions sur le droit de l’exemption de l’obligation de servir, notamment la loi fédérale du 12 juin 1959 sur la taxe d’exemption de l’obligation de servir, devront en tout état de cause être modifiées.
L’art. 59, al. 5, P-Cst. prévoit que le législateur règle si et sous quelle forme les personnes qui n’ont pas la nationalité suisse doivent accomplir un service au bénéfice de la collectivité et de l’environnement. Le texte de l’initiative ne précise pas s’il s’agit d’une obligation de servir ou d’un service volontaire.
L’art. 59, al. 6 et 7, P-Cst. décrit la juste compensation pour la perte de revenu et les droits des personnes astreintes qui sont atteintes dans leur santé ou qui perdent la vie. Les dispositions du droit des allocations pour perte de gain, notamment la loi fédérale du 25 septembre 1952 sur les allocations pour perte de gain, devraient être modifiées par le législateur en vue de l’élargissement des types de service. Aucune modification ne serait en revanche nécessaire pour les dispositions de la loi fédérale du 19 juin 1992 sur l’assurance militaire (découlant de l’art. 59 Cst. en vigueur) régissant les droits des personnes astreintes qui sont atteintes dans leur santé ou qui perdent la vie.
Les al. 3 à 5 de l’art. 61 Cst. sont abrogés afin d’inscrire le service de protection civile à l’art. 59 Cst. L’art. 61 modifié ne règle ainsi plus que les compétences de la Confédération en matière de protection civile.
L’art. 97 Cst. charge le Parlement d’émettre des dispositions d’exécution relatives à l’art. 59 dans les cinq ans après son acceptation par le peuple et les cantons. Si les dispositions d’exécution n’entrent pas en vigueur dans ce délai, le Conseil fédéral doit les édicter dans les trois ans après que ce délai est échu.